L'abolition de l'ordre du monde dans un cessez-le-feu radical

"nous proposons cette plate-forme pour une paix trans-planétaire et Nous souhaitons vous inviter à contribuer par des textes, des poèmes, des photos, des vidéos, des chants ou toutes formes qui vous paraissent convenir, à la constitution de cet espace. Nous souhaitons vous inviter à penser, imaginer, transmettre la paix révolutionnaire qui abolit le monde sans faire couler le sang."

"L'APPEL à se manifester pour la paix" est d’abord paru sur Diacritik le 14 octobre 2023. Écrit dans l’urgence, il a trouvé des signataires pour le porter. D’abord rédigé en français, il a été traduit en arabe, en Hébreu, et en anglais. D’autres signataires nous ont rejoint, d’autres viennent encore. Cet Appel pour une Paix Trans-planétaire peut s’étendre, doit s’étendre.

Pourquoi ?

Parce que la paix est l’abolition de l’ordre du monde. La paix est l’abolition de l’ordre injuste qui règne dans le sang, à chaque instant. La guerre est possible à chaque instant, on le voit tous les jours, c’est le cauchemar permanent, la guerre dans le monde qui se cherche de nouveaux peuples à décimer, des minorités à condamner à l’errance, des corps à supplicier, des territoires à conquérir, des ressources à exploiter. Mais la paix, elle, ce n’est pas le possible sans cesse soutenu par les gouvernements, la paix, c’est l’impossible. La paix est l’impossible qui s’affranchit collectivement des conditions de la guerre. La paix est le cessez-le-feu radical dans un monde qui ne sait même plus voir ses cendres.

À quoi peut ressembler cette paix ? Par quelle élaboration un espace sauf de la guerre peut exister dans un monde qui a fait de la guerre sa seule possibilité ? Que serait une trêve perpétuelle ? Un cessez-le-feu qui démantèlerait les machines de guerre, les machines qui enflamment l’atmosphères, les engins de l’énergie capitaliste ? Que serait une paix qui en finirait avec « la guerre contre les femmes » (Rada Iveković) ? Comment combattre la guerre sans tout ce que la guerre maintient dans son acte ? Comment la paix, grosse de violences, s’affranchit de la violence ? Comment s’extraire de la guerre sans condamner les subalternes qui, souvent, ne peuvent s'en extraire ? Comment soutenir les subalternes, les peuples sans territoires, les minorités qui se défendent contre leur extermination programmée, tout en maintenant cet Appel à la paix ? Comment pleurer publiquement la mort et la souffrance d'une vie sans que nos sentiments soient politiquement métabolisés contre la vie d'un(e) autre ?

Il n'y a pas d'Appel qui ne soit un appel à l’organisation. Aussi, nous proposons cette plate-forme pour une paix trans-planétaire et Nous souhaitons vous inviter à contribuer par des textes, des poèmes, des photos, des vidéos, des chants ou toutes formes qui vous paraissent convenir, à la constitution de cet espace. Nous souhaitons vous inviter à penser, imaginer, transmettre la paix révolutionnaire qui abolit le monde sans faire couler le sang. Penser, imaginer les autres Appels, vos échos, vos pierres dans l’eau, vos larmes de désespoir et de rage. Appels d’appels d’appels pour « celles et ceux que la nausée ne quitte plus, celles et ceux qui pleurent en silence, celles et ceux qui se sentent esseulés dans un océan de haine et de violence »*. Celleux qui chantent malgré tout l'amour au milieu de cette mise à mort. Alors que Palestinien.nes et israelien.nes pleurent leurs morts, c'est avec courage qu'il nous faut « imaginer un mouvement de libération dépassant même l'Exode — un exode où aucun des deux peuples ne doit partir. Où leurs membres restent pour recoller les morceaux, se refondant non pas seulement en tant que Juif·ves ou Palestinien·nes, mais aussi en tant qu'antifascistes, travailleurs et artistes." **

* « L’instant » par Noor Or, article paru dans le journal en ligne lundimatin, édition du 16 octobre 2023

** « Nous ne traverserons pas tant que nous ne nous portons pas entre nous » par Arielle Angel, article d’abord paru dans le magazine juif états-unien indépendant Jewish Currents et traduit pour Mediapart, édition du 18 octobre 2023